Les femmes et l'argent
La Presse
Forum, jeudi, 31 août 2006, p. A16
Éditorial
Les femmes et l'argent
Boisvert, Michèle
Il y a une quarantaine d'années, les couples où la femme avait un salaire supérieur à celui du mari étaient l'exception. En 1967, seulement 11 % des couples canadiens étaient dans cette situation. Quatre décennies plus tard, la proportion de ménages où la femme est le principal gagne-pain a triplé. Ces chiffres, tirés d'une étude publiée la semaine dernière par Statistique Canada, sont le reflet de l'entrée massive des femmes sur le marché du travail et surtout de leur prise d'assaut des facultés universitaires. Plus instruites, les femmes occupent davantage d'emplois bien rémunérés.
Cette étude mettait en relief un autre phénomène, celui-là bien connu, soit l'écart salarial qui existe entre les hommes et les femmes. Sans grande surprise, on apprenait que les familles où la femme est le soutien principal ont un revenu plus bas. En 2003, ces familles ont touché un revenu de 41 000 $ environ, soit presque 30 % de moins que celles où ce sont les hommes qui gagnent le salaire le plus élevé.
L'écart salarial entre les hommes et femmes a fait l'objet de nombreuses études. Un certain nombre de facteurs expliquant cette différence sont avancés par les chercheurs. L'expérience de travail en est un, les hommes ont en moyenne 17,5 années d'expérience de travail à temps plein, contre 14,4 pour les femmes. Par ailleurs, si le niveau de scolarité des Canadiennes atteint maintenant celui des hommes et parfois même le dépasse, plusieurs domaines d'études sont dominés par l'un ou l'autre sexe.
Par exemple, les diplômés en génie, en technologie et sciences appliquées sont principalement des hommes. Par contre, les femmes sont très présentes dans les domaines du commerce, de la santé et de l'éducation. Puisque les salaires varient selon le principal domaine d'études, les choix que font les hommes et les femmes peuvent expliquer en partie la différences de salaires. Malgré l'importance des travaux réalisés pour tenter d'éclaircir cette réalité, les chercheurs admettent qu'une part importante de l'écart salarial reste inexpliquée.
Un sondage conduit récemment par la firme Decima Research perce peut-être une partie de ce mystère. Alors qu'ils avaient à identifier ce qui les satisfaisait le plus dans leur travail, 26 % des hommes ont répondu leur salaire. Seulement 12 % des femmes considérait le salaire comme l'élément le plus important. Par ailleurs, 44 % des hommes insatisfaits de leur travail affirmaient qu'une augmentation de salaire serait ce qui les rendrait heureux; deux fois moins de femmes ont répondu de cette façon.
Cela n'a aucune valeur scientifique, mais c'est tout de même révélateur. Les hommes et les femmes n'ont pas le même rapport à l'argent, surtout lorsqu'il est question de salaire. Cela viendra sans doute avec le temps, mais pour l'instant, bien des femmes sont encore mal à l'aise lorsqu'il est question d'évaluer leur travail en dollars.
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